Rezension über:

Alexandra Gallo: Sisteron au Moyen Âge. Un atelier de la démocratie, XIIIe-XIVe siècles, Paris: Éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques 2016, 314 S., 5 Kt., ISBN 978-2-7355-0842-6, EUR 28,00
Inhaltsverzeichnis dieses Buches
Buch im KVK suchen

Rezension von:
Michèle Bois
Association Archéo-Drôme, Bollène
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Michèle Bois: Rezension von: Alexandra Gallo: Sisteron au Moyen Âge. Un atelier de la démocratie, XIIIe-XIVe siècles, Paris: Éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques 2016, in: sehepunkte 17 (2017), Nr. 10 [15.10.2017], URL: https://www.sehepunkte.de
/2017/10/30208.html


Bitte geben Sie beim Zitieren dieser Rezension die exakte URL und das Datum Ihres Besuchs dieser Online-Adresse an.

Alexandra Gallo: Sisteron au Moyen Âge

Textgröße: A A A

Sous le titre Sisteron au Moyen Âge. Un atelier de la démocratie, XIIIe-XIVe siècles, Alexandra Gallo, lauréate du concours de thèses 2010 du Comité des travaux historiques et scientifiques, livre à la communauté scientifique l'aboutissement d'une thèse de doctorat au sujet légèrement différent, La communauté de Sisteron (XIIIe-XIVe siècle). L'exercice du pouvoir urbain: rythmes et enjeux, soutenue le 30 novembre 2009 à l'Université de Provence sous la direction du professeur Jean-Paul Boyer.

L'ouvrage, illustré de huit cartes en noir et blanc et d'un tableau, s'ouvre sur un avant-propos de six pages brossant à grand traits le contexte historique et géopolitique dans lequel évolue la ville de Sisteron, située au nord du comté de Provence et en limite du Dauphiné, durant les deux siècles de la période étudiée. Suit la préface signée par Henri Bresc qui dégage pleinement l'originalité de la recherche, dont l'auteure expose la problématique dans l'introduction qui suit, évoquant la richesse des sources, leurs particularités et les contraintes rencontrées lors de leur exploitation exhaustive. Les magistrats de Sisteron, investis qu'ils sont de l'autorité publique détenue par le comte de Provence, sont-ils réellement des représentants du peuple et agissent-ils réellement en son nom?

Le développement de la thèse - divisé en trois parties, chacune comptant deux chapitres - aborde successivement la défense des intérêts de la communauté, avec la place des représentants municipaux et celle de l'écrit, puis les ambitions du pouvoir municipal, soucieux de son influence non seulement à l'intérieur des murs mais aussi bien au-delà, et enfin les mécanismes du système politique, à la recherche d'un équilibre entre fidélité à la dynastie angevine et réticence en matière fiscale. Après une courte conclusion, cet écrit universitaire est complété par la présentation synthétique des sources, la bibliographie, un utile glossaire, un index permettant de retrouver aisément noms communs, lieux et personnes. De façon commode, notes, bibliographie et cotes d'archive, se trouvent en bas de page, leur numérotation étant toutefois tributaire de la division en six chapitres. On pourra regretter l'absence de pièces justificatives: quelques textes judicieusement choisis auraient rapproché le lecteur de la langue, voire des graphies utilisés par les notaires et autres scribes de la communauté sisteronnaise médiévale.

Parmi les minutieuses et précieuses analyses des riches archives du dépôt municipal qu'Alexandra Gallo a rédigé dans le but de mettre en évidence les rythmes et les enjeux de l'exercice du pouvoir urbain au sein de la communauté de Sisteron, nous retiendrons seulement quelques aspects. Les premiers administrateurs municipaux apparaissent en 1213, dans la confirmation du consulat de Sisteron par Guillaume de Sabran, proclamé comte de Forcalquier. Ces consuls, peu de renseignements les font connaître et les privilèges octroyés à la ville en 1257 par Charles 1er d'Anjou, les disent disparus. Apparaissent alors des représentants de la communauté, dite universitas: ces citoyens, sont parfois appelés syndics, bien avant l'autorisation officielle de les nommer, obtenue du sénéchal en 1296. À partir de 1307, les pouvoirs des syndics sont accrus: sur eux repose la charge de collecter certains impôts. La difficulté de cette charge nécessite que leurs soient adjoints des conseillers dès 1324, ce conseil étant autorisé par le roi Robert en 1333 qui en fixe le nombre à 12. À partir de 1347, apparaissent d'autres titulaires de fonctions municipales, mentionnés dans les nombreux documents conservés dans les archives de la ville depuis leur archivage originel, attesté dès les alentours de 1350.

Le plus ancien registre des représentants municipaux de Sisteron, commencé en 1315 est un livre de tailles, un registre de comptes utilisé jusqu'en 1351. L'année 1341 ouvre la série des cartularia consilii. Ceux-ci ne sont pas exactement des registres des délibérations des assemblées du conseil: n'y figurent que des "relevés de conclusions", des décisions du conseil, en majorité des ordonnances. Ces textes sont rédigés en latin - à l'exception de quelques textes en provençal - par des notaires dont les seings garantissent l'authenticité.

Les attributions des représentants municipaux s'étendent à l'intérieur de la cité elle-même, divisée en quartiers, dits pedae, mot absent du Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral. Par exemple, les douze membres du conseil nommé en 1334, en proviennent, à raison de trois conseillers issus respectivement des quartiers de Saunerie et Inviis (ce dernier, hors les murs fut détruit en 1366, pour la défense de la cité), de la Rue Droite et la Coste, du Rieu, et de Bourg Reynaud, divisions encore perceptibles dans le centre ville actuel. Les syndics sont élus au sein du conseil qui émet aussi des ordonnances concernant l'agriculture - la viticulture surtout mais aussi la gestion des bois - aux alentours de la ville. Ils sont même en mesure de statuer sur le castrum de La Baume, situé outre Durance, dans le diocèse voisin de Gap. Leurs compétences leur permettent d'envoyer des ambassades auprès des autres villes provençales ou dauphinoises, voire auprès du pape. Ces talents diplomatiques assurent à la ville une certaine indépendance, par exemple, lors de la crise de succession qui suit le décès de la reine Jeanne en 1382.

Lors des périodes de trouble, qui se multiplient après 1357, le conseil prend en charge non seulement les travaux nécessités par la mise en défense de la ville - travaux aux fortifications, gardes de jour ou de nuit - mais aussi les ambassades et les implications militaires, lors des sièges de différentes places-fortes proches. Malgré ces tâches exceptionnelles, les conseillers continuent à statuer sur la règlementation des fours, à se préoccuper de la conservation de leurs archives, ou encore à contrôler l'assiduité aux réunions.

Bien entendu, la légitimité de ces représentants de la communauté repose sur leur reconnaissance par le pouvoir comtal, puis royal. L'évêque, en choisissant une résidence éloignée, celle du château de Lurs, proche de Forcalquier ville rivale de Sisteron, avait du renoncer à de larges pans de son autorité sur la cité, autorité que l'on voit pleinement exercée par les prélats des diocèses limitrophes. À Sisteron, prestation d'hommage des représentants de la commune et renouvellement des privilèges par les souverains reflètent l'évolution des rapports de sujétion tout au long du XIVe siècle.

Le fait que "l'immense majorité" des assemblées se tient au palais royal, le plus souvent dans le portique de la cour où se rend la justice, est significatif de l'implication de la royauté. Rares sont les assemblées tenues dans des maisons privées, et seulement 1% de celles-ci se tiennent en l'absence d'un représentant royal, généralement le bailli, rarement remplacé par le juge. On note quelques conflits entre ces représentants royaux et les conseillers, conflits arbitrés par le souverain lui-même ou son sénéchal, donnant le plus souvent raison aux représentants de la communauté, ce qui atténue les empiètements régulièrement exercés par ces officiers.

La participation de la population à des prises de décision la concernant est réelle, telle l'approbation de l'installation des religieuses clarisses en 1283, ou encore l'imposition sur les farines sortant des moulins en 1346. Les procès-verbaux de tous les parlements rassemblés à l'occasion de questions importantes n'ont probablement pas été conservés, mais parmi les quatorze qui ont été recensés, figure une liste de mille noms datée de 1297 ainsi qu'une autre nommant seulement 474 personnes en 1334, mais donnée comme incomplète par le notaire.

Ces parlements sont remplacés après 1346 par des convocations de la communauté : 127 noms sont inscrits en 1394. D'autres consultations de membres adjoints aux conseillers montrent que ces derniers n'hésitent pas à faire participer leurs concitoyens: "le conseil de Sisteron est donc loin d'administrer la ville à huis clos" même si les conseillers cooptent le plus souvent leurs successeurs. Toutefois, le fait que les conseillers sachent écrire, qu'ils aient une certaine fortune permettant de gager leurs biens lorsqu'ils entrent en fonction, ou encore qu'ils disposent de temps libre pour assister aux réunions, prouve que leur statut social est élevé, même s'ils ne sont pas tous notaires ou riches marchands. Une grande ouverture du conseil se remarque par le fait que la majorité des conseillers (61%) n'occupe la fonction qu'une seule fois, 20% deux fois, 17% trois fois, 0,5 % plus de 5 fois. De même, à peine moins de la moitié des conseillers sont les seuls de leur famille à accepter cette charge, pour plus de 20% à avoir un parent dans le même cas.

Les décisions sont prises le plus souvent à l'unanimité, mais dans certains cas, les avis contraires sont explicités par le notaire. Ces décisions sont prises dans l'intérêt général, pour l'utilité commune, comme dans le cas de dispositions prises pour retenir un médecin dans la cité ou un "maître d'école".

Au total, l'ouvrage d'Alexandra Gallo en détaillant les modalités de l'exercice du pouvoir des représentants de l'universitas de Sisteron aux XIIIe et XIVe siècles interpelle l'image que nous pouvons nous faire de la démocratie à l'échelle locale.

Michèle Bois